10.04.2006

EDITO :

De travers, certes, mais toujours à son but…

Le festival Désaliéner reprend, cette année, son vagabondage du côté « Sensible ». Alors reprenons ensemble le chemin ouvert par Lucien Bonnafé, lui, le psychiatre qui écrivait: « Désaliéner, vérité pratique », continuant et reprenant à son compte la fulgurante formule de Lautréamont : « la poésie a pour but la vérité pratique ». Ce dont nous parlons dans notre pratique en psychiatrie comme en poésie c’est du refus d’une Vérité qui s’enfermerait dans une théorie, un système, un discours de la méthode, sorte d’idéologie du ventre mou et du triste Pouvoir. La « vérité pratique » continue de faire école buissonnière, de déjouer les logiques institutionnelles qui catégorisent, ciblent et stigmatisent les sujets. A contre-courant, donc, inventer ensemble, soignants, soignés, artistes, citoyens du monde, une pratique aux frontières, danser sur les limites comme sur un fil, refuser de donner au possible une borne…
Alors, les sujets sensibles, les « sans-cibles » seront comme l’inaliénable reste d’une liberté toujours trop étranglée…
Alors ?
André Robillard, dans sa maison à l’hôpital psy d’Orléans, fabrique des fusils avec du bois, du scotch, des tuyaux de machine à laver ;
Vincent Van Gogh peint.
Alors, qu’est-ce que dessiner, Vincent ? :
« C’est l’action de se frayer un passage à travers un mur de fer invisible, qui semble se trouver entre ce que l’on sent et ce que l’on peut » ;
Alors, Artaud ? A toi :
« Il y a dans tout dément un génie incompris dont l’idée qui luisait dans sa tête fit peur, et qui n’a pu trouver que dans le délire une issue aux étranglements que lui avait préparés la vie. »
Et après ?
Christian Paccoud chante à voix nue l’avenue du Dragon, les « sans-papiers », les pêcheurs de chaussures… Stéphane Gatti et Bernard Doray vagabondent, filment, enregistrent, tracent en bons explorateurs des oubliettes, pour l’un, le devenir d’une psychiatrie résistante et sensible dans le sillon de Bonnafé, pour l’autre, la révolution brillante, épique et ironique du sous-commandant Marcos pour la Dignité des indiens au Mexique.
Et alors ?
Alors…
Bienvenue dans la crypte des sensibles.

Frédéric Gramazio